1972
Roger Soyer
« Un prodigieux Méphistophélès »
« La distribution, qui est ‘très jeune’, nous garde des traditions instaurées par trop de chanteurs chevronnés, qui ne voient dans ‘Faust’ qu’une occasion de flatter le public et d’appuyer sur des airs au détriment d’une ligne générale. »
Lotfi Mansouri, metteur en scène
Pour sa première apparition sur la scène du Grand Théâtre, Roger Soyer s’impose, « remarquable d’autorité ».
« Incisif mais sans vain sardonisme », il « campe l’inquiétant Méphisto, dévorateur, esprit du mal s’il en fut, acteur de talent à l’impeccable diction. »
« Chanteur chevronné à la basse profonde »
Premier prix de chant et d’Opéra-Comique en 1962 puis premier prix d’Opéra en 1963, Roger Soyer est engagé la même année dans la R.T.L.N, alors troupe commune aux deux institutions.
Il y enchaîne les rôles de basse, Colline (La Bohème), Basilio (Il Barbiere di Siviglia), Arkel (Pelléas et Mélisande), Méphistophélès (Faust).
Au Festival d’Aix-en-Provence en 1969, le jeune trentenaire relève l’ambitieux défi d’incarner Don Giovanni dans la légendaire production de Jean Meyer. Le succès public et critique est immense.
Roger Soyer continuera de triompher dans son rôle de référence, développant une carrière internationale dans des productions éclatantes comme à Edimbourg en 1973 sous la direction de Daniel Barenboim ou à Paris en 1975 sous celle de Georges Solti, avec Kiri Te Kanawa et José Van Dam.
Deux écoles s'affrontent
« Subtile synthèse réalisée entre les esthétiques du XVIe siècle et du Romantisme » ou tenues ayant « l’air de sortir d’un vestiaire de province » ?
Le débat fit rage quant à la reprise des costumes créés en 1967 par Wolfram Skalicki pour La Damnation de Faust.
Droit de réponse
Metteur en scène attitré de la maison genevoise de 1965 à 1975, avant de prendre la direction de l’Opéra de San Francisco puis celle de la Compagnie d’Opéra de Toronto, Lotfi Mansouri se défend de ce choix : « J’avais, au sujet des costumes, des idées que la décoration ne m’a pas permis de réaliser à fond. J’aurais souhaité pouvoir ‘situer’ ce Faust en 1850, à l’époque où Gounod l’écrivit.
Les personnages étaient en haut-de-forme. Les figurants jouaient les badauds du théâtre de boulevard.
Je pense ici à La beauté du diable, ce merveilleux film de Michel Simon et Gérard Philipe ; je pense aussi aux Enfants du paradis.
On aurait évité une trop grande référence à la tradition ‘gothique’ de trop de mises en scène. Je ne perds pas l’espoir d’y parvenir un jour. »
Propos recueillis par Albin Jacquier, La Suisse, 12.09.1972